Voilà deux générations que la famille Guillemot tient son commerce de produits agricoles, dans un petit coin tranquille de Bretagne. Les cinq fils de la famille donnent évidemment leur coup de main, enchaînant les missions de livraison, d’envoi ou de comptabilité : il est important pour leurs parents que ces derniers entrevoient un maximum de postes, en complément de leurs études de commerce à Rennes, Londres ou San Francisco. Au début des années 1980, l’activité familiale de Carentoir n’est pas des plus florissantes, à cause des marges faibles et de la marginalisation galopante du métier d’agriculteur.

Gameloft (mobile), Thrusmaster (accessoires), Ubisoft, Guillemot Corporation… La fratrie entreprend à tout va depuis 1980 (crédit photo : Bloomberg)
Yvette et Marcel encouragent leur progéniture à voir plus loin. C’est ainsi que quelques CD audio, puis des ordinateurs et des logiciels, rejoignent les produits chimiques et les pièces détachées de machines agricoles dans les stocks de l’entrepôt familial. « On ait une vingtaine de machines en stock, et peut-être 100 copies de logiciel » confie Yves Guillemot à Game Informer en 2011. Mais les agriculteurs sont une cible trop limitée. Un séjour au Royaume-Uni permet à Claude, l’aîné de la fratrie, de découvrir un nouveau segment potentiel : les jeux vidéo y sont vendus beaucoup moins chers là-bas. La société de vente par correspondance Guillemot International voit le jour en 1984.
L’entreprise est compétitive, sur un secteur en pleine expansion, mais cela ne fait qu’aiguiser la soif d’entreprendre des Guillemot. Dès 1986, la fratrie crée une société d’import et de distribution de jeux, à destination des revendeurs français : Ubi Soft Entertainment commence d’abord par distribuer les jeux fournis par Guillemot International. « Personne ne sait que les deux entités aient les mêmes actionnaires. Nous le cachions du mieux que nous le pouvions, ainsi Ubisoft pouvait connaître toutes les commandes que ses concurrents passaient à Guillemot International » confiera en 2005 Yves Guillemot au journal Les Échos. Malin.