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人口大县排行榜前十名 La Crimée appartient

Peu de gens le sent, mais à l’époque bréjnévienne (1964-1982), la Crimée était un haut lieu, discret et apprécié, de la communauté gay. Elle l’est d’ailleurs restée après la fin de l’Union soviétique, lorsqu’elle est devenue partie intégrante de l’Ukraine indépendante, en 1991. Le long de la mer Noire, dans certaines criques rocheuses, isolées et difficiles d’accès, des couples homosexuels (d’hommes et de femmes) de toutes nationalités mais aussi des nudistes s’évadaient chaque été au contact de la nature, cachés mais pas très loin de la ville de garnison de Sébastopol. Nul ne sait ce qu’il en est aujourd’hui car, depuis l’annexion de 2014 et le début de la guerre lancée par Poutine en 2022, la région est devenue inaccessible au tourisme occidental.

Rivage de Yalta en Crimée.

Rivage de Yalta en Crimée.

© / L'Express

Seule certitude : ec ses particularismes, la péninsule de 2 millions d’habitants – qui fut la "Côte d'Azur de l’URSS" – occupe une place singulière dans l’histoire et l’imaginaire du monde russophone. Au cœur de la rivalité russo-turque pendant des siècles, théâtre d’une guerre qui, de 1853 à 1856, impliqua la France et le Royaume-Uni (aux côtés de l’Empire ottoman contre la Russie tsariste), elle constitue l’enjeu clef de la guerre en Ukraine. Annexée sans un coup de feu voilà onze ans, puis rattachée illégalement à la Fédération de Russie, elle est au point de départ du conflit actuel. "La guerre a commencé en Crimée et elle se terminera en Crimée", répète à qui veut l’entendre Volodymyr Zelensky, pour mieux affirmer la volonté de Kiev de la récupérer.

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Depuis le déclenchement du conflit le 24 février 2022, ce territoire grand comme la Bretagne est un théâtre d’opérations militaires pour les deux belligérants. Pour la Russie, c’est un hub logistique d’où est partie l’offensive initiale sur le sud de l’Ukraine, vers Kherson et Melitopol. Réciproquement, la Crimée est régulièrement la cible d’attaques de drones et de missiles ukrainiens. En 2022-2023, ceux-ci ont endommagé la base aérienne de Saky et le pont de Kertch. Inauguré en 2018, l’ouvrage de 18 kilomètres de long relie la péninsule à la Russie. Après une relative accalmie, les hostilités ont repris en Crimée. La Russie a tiré plus de 50 missiles depuis la péninsule ces derniers mois. Et, début mai, l’Ukraine a lancé une vaste attaque de drones visant des bases aériennes, des arsenaux et d’autres installations militaires, semant un début de panique chez les forces d’occupation russes.

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© / Légendes cartographie

Après la pluie de missiles sur l’Ukraine fin mai, Donald Trump s’est résolu à traiter Vladimir Poutine de "FOU" sur son réseau social et déclaré à la télévision : "Je ne comprends pas ce qui lui arrive." Le projet du président américain consistant à faire la paix en six mois s’éloigne de jour en jour. Dans son esprit, un cessez-le-feu sous-entendait jusqu’à présent des concessions territoriales de la part de Kiev – ec, à la clef, l’abandon de la Crimée – et le renoncement de l’Ukraine à intégrer l’Otan. La position de Vladimir Poutine n’a, elle, pas varié d’un iota : il considère la presqu’île comme partie intégrante de la Fédération de Russie et exclut toute restitution à l’Ukraine. Ce maximalisme percute l’esprit de résistance ukrainien. "La plupart des Ukrainiens s’opposent farouchement à toute cession officielle de territoires, y compris à celle de la Crimée, estime l’analyste russe Vladisl Inozemtsev. 82 % y sont opposés, contre 69 % ant l’élection présidentielle de 2019." Ni Moscou ni Kiev ne veulent lâcher le moindre centimètre carré de territoire.

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Dès lors se pose la question : à qui appartient la Crimée ? "A ceux qui l’habitent !" diront spontanément certains. "Mais les choses sont plus compliquées parce que la population y a été remplacée plusieurs fois au fil des siècles", explique l’historien Thierry Sarmant, auteur notamment d’une biographie de Catherine II (1762-1796). Sans remonter jusqu’aux marins génois du XIIIe siècle qui s’y installent et jouent un rôle prépondérant dans le commerce en mer Noire, rappelons que, du XVe au XVIIIe siècle, la presqu’île fut habitée par des Tatars [des Turco-Mongols qui pratiquent l’islam sunnite] jusqu’à son annexion par Catherine II de Russie en 1783. Arrivent alors des colons russes, ukrainiens, grecs et allemands. Les Tatars, marginalisés, deviennent minoritaires.

"En 1944, ces derniers sont presque tous déportés en wagons à bestiaux par Staline en Asie centrale, des milliers meurent durant le trajet", poursuit Sarmant. Toutefois, après 1991 et alors que la Crimée fait partie de l’Ukraine indépendante, la population tatare connaît une renaissance. Elle passe de 2 % à 15 % des habitants. A nouveau persécutés et soumis à une politique de russification, les Tatars – dont beaucoup ont fui à Kiev – sont aujourd’hui environ 200 000. "En résumé, c’est seulement après la déportation des Tatars que la Crimée devient majoritairement peuplée de russophones, c’est-à-dire plutôt récemment", conclut Aurélien Duchêne, auteur de La Russie de Poutine contre l’Occident (Eyrolles).

"Nous sommes des Criméens ant d’être russes ou ukrainiens"

Les Russes, bien sûr, voient les choses autrement. Depuis deux cent cinquante ans, ils considèrent que la péninsule est consubstantielle à leur identité. Depuis la conquête de 1783, elle revêt en effet une importance stratégique primordiale, Sébastopol étant le port d’attache de la flotte de la mer Noire. Le siège de la ville et les combats contre les Français pendant de la guerre de Crimée sont décrits par Léon Tolstoï dans ses Récits de Sébastopol (1855). Anton Tchekhov, lui, y situe l’action de sa nouvelle La Dame au petit chien. S’étant fait construire une villa à Yalta, le dramaturge y a aussi écrit La Cerisaie, parue en 1901. Sa "datcha blanche" est aujourd’hui un musée.

La cité balnéaire abrite également le palais de Livadia, résidence d’été du tsar Nicolas II où eut lieu, en février 1945, la conférence de Yalta réunissant Staline, Churchill et Roosevelt. "Lieu de villégiature pour les élites soviétiques, réputée pour son climat et ses vignes, glorifiée dans les chansons et les films, la presqu’île est au cœur de la culture russe, mais aussi des intérêts sécuritaires du pays", résume Tatiana Kastouéva-Jean, de l’Institut français des relations internationales et auteure de La Russie en 100 questions (Tallandier).

Un nire de guerre russe devant le port de Sebastopol, en Crimée, le 12 février 2022

Un nire de guerre russe devant le port de Sebastopol, en Crimée, le 12 février 2022

© / afp.com/Handout

Pour autant, les habitants, même "russifiés" depuis des siècles, ne sont pas tout à fait russes. "Nous autres, natifs de Yalta, de Sébastopol ou de Simferopol, la capitale, sommes des Criméens ant d’être des Russes ou des Ukrainiens", expliquait en 2014, un habitant de Yalta à L’Express. "Définir à quel côté nous appartenons n’est pas si simple car nous ons souvent de la famille et des amis de part et d’autre de la frontière, ajoutait-il. Comme la Catalogne, la Bière ou le Pays basque, la Crimée est une région où l’identité locale prime sur le reste." De fait, la mentalité locale y a été façonnée par la présence de catégories sociales spécifiques : des officiers nals formés à Saint-Pétersbourg, des représentants de la nomenklatura soviétique, des intellectuels en villégiature ou encore, dans les années 1970, des membres de la scène underground moscovite.

A cette complexité s’ajoute l’affaire du "cadeau" fait à l’Ukraine par Khrouchtchev. En février 1954, celui qui est devenu le Premier secrétaire du Parti communiste soviétique (PCUS) onze mois plus tôt transfère la gestion de la Crimée à Kiev. Nulle idéologie ou arrière-pensée dans ce présent qui tient à des raisons pratiques : le ritaillement de la presqu’île en eau, gaz ou électricité est plus facile depuis le territoire ukrainien, tout comme la gestion des vergers et la production de vin. Au reste, les frontières n’ont alors qu’une signification administrative au sein de l’URSS : que la Crimée soit gérée depuis Moscou ou Kiev est sans conséquence.

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Soit dit en passant, Nina Krouchtcheva, petite-fille du leader soviétique, conteste que "Nikita" ait été l’unique décisionnaire de ce transfert – qui vaut à ce dernier le mépris posthume de Vladimir Poutine. "En février 1954, Nikita Krouchtchev n’était que Premier secrétaire du PCUS ; il n’est devenu chef du gouvernement qu’en 1958, argumente-t-elle. En 1954, son pouvoir n’était pas suffisamment établi au sein de la direction collective pour qu’il prenne l’initiative de donner quoi que ce soit à qui que ce soit. Ce fut une décision collégiale. La signature de mon grand-père ne figure même pas sur le document officiel actant le transfert", insiste la descendante du leader soviétique, par ailleurs spécialiste de l’œuvre de Vladimir Nabokov. Pour ajouter encore un paramètre à l’équation russo-ukrainienne, ajoutons que Sébastopol ne faisait pas partie de l’oblast (région) de Crimée à l’époque soviétique. Au contraire, la ville portuaire était administrée directement par le pouvoir central, depuis le Kremlin, selon un statut proche de ceux de Moscou et Leningrad (Saint-Pétersbourg).

Le Kremlin se considère comme le cogérant

"A la signature des accords de Belovej (1991) qui mettent fin à l’URSS, Boris Eltsine, pressé d’en finir, n’a pas soulevé la question du retour de la Crimée dans le giron de Moscou, précise Tatiana Kastouéva-Jean. En 2010, un accord est trouvé ec l’Ukraine sur le maintien du stationnement de la flotte de la mer Noire jusqu’à 2042 en échange d’un bail et d’un tarif réduit sur le gaz." Résultat, le Kremlin s’est toujours considéré comme le cogérant de la Crimée même si, en 1991, ses habitants aient voté à 54 % en feur du divorce d’ec Moscou lors du référendum sur l’indépendance de l’Ukraine.

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Depuis cette date, la souveraineté de l’Ukraine est grée dans le droit international en vertu de l’Acte d’Helsinki (1975) et de la Charte de Paris (1990), qui stipulent le principe d’inviolabilité des frontières. "Par le mémorandum de Budapest (1994), l’Ukraine a en outre accepté de transférer à la Russie son stock d’armes nucléaires hérité de l’époque soviétique contre les garanties de sa sécurité, son indépendance et son intégrité territoriale assurées par Moscou, Washington et Londres", peut-on lire dans La Russie en 100 questions. Qui plus est, l’accord russo-ukrainien de 1997 a fixé les principes de l’inviolabilité des frontières et du respect de l’intégrité territoriale ec l’engagement mutuel de ne pas attenter à la sécurité de l’autre. Hélas, Poutine se moque du droit international. Avec l’annexion de février 2014, il a d’ailleurs vu sa popularité grimper en flèche en Russie. Un mois plus tard, un référendum bidon organisé en Crimée (sous la surveillance de soldats armés) s’est traduit par un score "soviétique" de 97 % en feur du rattachement à la Russie.

Vue de la ville de Yalta, en Ukraine, le 5 mars 2014

Vue de la ville de Yalta, en Ukraine, le 5 mars 2014

© / afp.com/Alexander Nemenov

Depuis, le Kremlin organise la russification de la Crimée à marche forcée. "De 150 000 à 200 000 Russes sont venus s’y installer, attirés par des incitations fiscales, indique Aurélien Duchêne. Moscou débaptise des rues et des bâtiments publics pour les russifier. Certains juristes parlent même de génocide culturel." Depuis 2022, le mouvement s’accélère. L’occupant renomme les écoles en glorifiant les soldats russes impliqués dans le conflit. Plus de 200 établissements ont ainsi changé d’appellation. Les autorités installent aussi des plaques commémoratives, organisent des expositions, inaugurent des clubs patriotiques. L’objectif ? Militariser l’esprit des jeunes en glorifiant la guerre d’agression. A en juger par la "question de Crimée" – qui sera centrale dans toute éventuelle négociation à venir –, les armes ne sont pas près de se taire, ni le sang d’arrêter de couler.

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